LA GAZETTE DE RINOU
NOS AÏEULS ET 
LA PREMIERE GUERRE MONDIALE 
1914 - 1918 

 

A la demande de Jeanne, férue de mes petits documents sur la famille, je voudrais continuer en vous contant l'attitude héroïque des membres de notre famille pendant la guerre de 14-18. Mais avant, voici quelques grandes lignes sur ce premier conflit du XXème siècle.

La Première Guerre Mondiale s'est déroulée du 2 août 1914 au 11 novembre 1918. Les théâtres des opérations ont été nombreux mais elle se tient principalement en Europe avec trois fronts principaux : le Front Ouest (englobant l'actuelle Belgique et tout le quart nord-est de la France), le Front Italien (entre l'Italie et l'Empire d'Autriche-Hongrie) et le Front Est sur l'actuelle Pologne. Les belligérants sont :

La Triple-Entente appelés aussi les Alliés composé de la France, le Royaume-Uni, l'Empire russe, le Royaume de Serbie, le Royaume d'Italie, les États-Unis et l'Empire du Japon.

La Triple-Alliance composée des empires du centre Europe : l'Empire allemand, l'Empire d'Autriche-Hongrie, le Royaume de Bulgarie aux quels s'ajoute l'Empire ottoman

La mobilisation générale en 1914 envoie 3,6 millions d'hommes sous les drapeaux, un total d'environ 8,6 millions sont engagés dans ce conflit (13,3 millions pour l'Allemagne).

Le samedi 1er août 1914, à 4 heures de l'après-midi, tous les clochers de France font entendre un sinistre tocsin. C'est la mobilisation générale.

Cette mobilisation concerne tous les hommes soumis aux obligations militaires. Comme l'indique leur livret militaire, ils doivent se rendre dans les lieux prévus à cet effet. (Voir en annexe le livret militaire de Jean-Pierre dit Ywan FERRATON, oncle de Bon-Papa CALLET).

Toutes les familles, toutes les régions de France métropolitaine et des colonies sont concernées par cet appel Nous allons voir comment nos aïeuls ont participé à ce conflit mais auparavant, je voudrais définir deux termes que nous retrouverons tout le long de ce propos : la qualification de "Mort pour la France" et la définition militaire des citations.

La qualification "Mort pour la France" a été créée en avril 1916 pendant la Première Guerre Mondiale. C'est une récompense morale visant à honorer le sacrifice des combattants morts en service commandé et des victimes civiles de la guerre. Elle est décernée par la Direction interdépartementale du lieu de résidence du demandeur. Ont droit à cette distinction, les membres des forces armées françaises tués au combat ou morts des suites de maladies contractées ou d'accidents survenus en service commandé au cours des Première et de Seconde Guerres mondiales, des Guerres d'Indochine et d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie ainsi que les victimes civiles de nationalité française tuées lors de ces conflits.

A ce propos, vous pouvez consulter le site SGA/Mémoire des Hommes http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/ sur lequel vous pouvez trouver la fiche individuelle de tous les "Morts pour la France" de 1914-1918 et de 1939-1945.

Les citations : Dans le domaine militaire, une citation est la mention honorable d'un acte exemplaire. En France, selon l'étendue de l'action récompensée, une citation très honorable est décernée à l'ordre de l'armée ; une action de moindre envergure vaut une citation à l'ordre de la division, du régiment ou de l'unité de rattachement. En période de conflit, elle s'accompagne souvent de l'attribution d'une croix de guerre.

Source : Wikipedia

La guerre de nos grand-pères

 

Notre grand-père maternel, Claude Callet n'avait pas fait de service militaire à cause de son œil qui ne lui permettait pas de voir avec l'autre œil fermé. Il n'a donc pas été mobilisé en août 1914 mais très vite,  (en octobre, je crois) il s’engagea (engagé volontaire). Comme il avait son permis de conduire, ce qui était rare à l’époque, il fut versé dans le "train des équipages automobiles".

Claude CALLET, conducteur de convoi

Durant la totalité de la guerre, il conduisit toute sorte de véhicules, des camions à la voiture de sport. Quand il était au service "des grandes missions", il avait une voiture très rapide pour l’époque. C’était, je crois me rappeler, une "Turca Mery", l’équivalent de nos voitures de sport actuelles. Et il conduisait des officiers ou des hautes autorités civiles, de l’arrière au plus près possible du front.

Photo et texte, d'après les souvenirs de Didier CALLET repris par Brigitte Rousson (mai 2009)

Notre grand-mère CALLET passa une grande partie de la guerre à Valjoly avec ses parents. A la déclaration de la guerre, Claude et Marie Antoinette étaient les parents de deux garçons : Didier, 3 ans et Marcel, 6 mois. Ce fût probablement une période très difficile comme l'atteste le témoignage de Georges CALLET (voir plus bas).

Notre grand-père paternel, Frédéric Ferraton faisait partie de la classe 1918.

Il souhaitait être artilleur mais sa demande a été rejetée car il mesurait 10 cm de trop (cf. courrier du 7 avril 1917).

Il est incorporé le 17 avril 1917 au 10e Régiment de Cuirassés (12ième Escadron), à la caserne de la Part-Dieu à Lyon. Il est resté sur place jusqu'en novembre 1918 date à laquelle il est parti pour Versailles dans une unité de cuirassés motorisés. Ensuite, il est parti dans l'Est où il a fait parti des troupes d'occupation.

De nombreuses lettres échangées entre lui, ses parents et son frère Jean témoignent de cette période intense de l'après-guerre.

Nos "Morts pour la France"

Comme de très nombreuses familles françaises, nous avons eu nos "Morts pour la France".

François Monier, frère de Bonne Maman Ferraton.

Après sa formation militaire à Grenoble au 1er Régiment d'Artillerie de Montagne, il est affecté au 84e Régiment d'Artillerie Lourde. Il reçoit son baptême du feu en mars 1916 à Verdun. Puis, comme tant d'autres il a été balloté au hasard des circonstances : offensive de la Somme, attaque de Reims, poursuite vers Saint-Quentin, nouvelle attaque sur la Somme, défense de Ressons-sur-Matz, contre attaque en Champagne. Ces diverses étapes le conduisent jusqu'en septembre 1918. Mais, à la veille de la Victoire, il est pris d'une soudaine attaque de grippe. Il est évacué de sa batterie le 6 octobre 1918 et transféré à Vichy. C'est là qu'il décédera le 15 du même mois, dans sa 22e année et après 32 mois de guerre.

Soldat valeureux, il a fait l'objet d'une citation :

Antoine CHATAGNON, cousin germain de Bon Papa FERRATON, fils d'André, pharmacien à a Valette et d'Antoinette FERRATON, sœur d'Etienne.

 

l

Le décès d'Antoine n'a pas été connu immédiatement. Il a disparu lors de violents combats qui se sont déroulés dès le début de la guerre en Alsace, au Col d'Urbeis. Pendant toute la guerre sa famille a espéré qu'il fût prisonnier mais en vain. Ses restes ont du être retrouvés et reposent à la nécropole militaire Klosterwald sur la commune de Villé dans le département du Bas-Rhin.

Les CHATAGNON étaient les plus proches voisins d'Etienne et Marie FERRATON. Je possède quelques courriers échangés entre Antoinette CHATAGNON que ses neveux Fred et Jean appelait "Tatanette" (pour Tante Antoinette) et sa belle sœur Marie FERRATON. L'espoir qu'Antoine soit toujours en vie, est extrêmement présent.

La famille Balas dont est issue notre bi-aïeule, Marie BALAS, épouse de Victor Ferraton, a payé un lourd tribu à ce premier conflit mondial.

  • Pierre SATIN, fils d'Aimé et de Marie Claudine BALAS
  • Stéphane BALAS, fils de Jean Baptiste et Clotilde PONCHON
  • Maurice BALAS, fils de Mathieu et d'Hélène DREVON

Tous les trois étaient cousins issu de germain de notre arrière grand-père Etienne Ferraton et petits fils de Pierre BALAS et Marie DUBOUCHET.

Pierre SATIN

Pierre SATIN était un artiste. Elève au Collège Sainte-Marie à Saint-Chamond, il le quitta pour rentrer à l'Ecole des Beaux-arts de Lyon dans la section Arts Décoratifs. Il sortit de l'école en 1910 pour effectuer sa période service militaire. En 1912, ayant été nommé officier de réserve, il partit pour le Maroc et y fut bientôt titularisé sous-lieutenant de l'armée active au 2e Régiment d'Artillerie de Montagne. Sous les ordres du général GOURAUD, il prit part à plusieurs expéditions et sa belle attitude lui valut, avec la médaille coloniale, la décoration d'Officier de l'Ouissam Alaouite Chérifien.

Il était au Maroc quand la guerre survint. Pierre SATIN a demandé, à plusieurs reprises, de revenir en France et de partir au front mais en vain. A force de demande réitérées, il obtint satisfaction dans une certaine mesure au moins : il fut désigné pour l'Armée d'Orient et au mois de février 1916 il s'embarquait pour Salonique.

Sa nature curieuse d'artiste jouissait évidemment à visiter des régions dont les mœurs sont si différentes des nôtres. Mais avant tout il songeait à faire bravement son devoir. Aussi le 25 août 1916, il était cité à l'ordre de la division en ces termes :

« Recherchant une position d'artillerie, a été pris sous des rafales de grosse artillerie ; a continué sa mission et au retour a été blessé d'un éclat d'obus à la joue ; a fait preuve du plus grand calme »

Quelques semaines plus tard il était nommé lieutenant.

Cependant sa grand-mère maternelle (Marie DUBOUCHET, épouse de Pierre BALAS) venait de mourir. Orphelin de père et de mère, il était appelé à recueillir sa part d'héritage. Il demanda donc à revenir en France et le 2 décembre 1916 s'embarqua sur l'Algérie III. Deux jours après, vers six heures du soir, le navire était torpillé. Moins heureux que la plupart de ses compagnons de route qui furent sauvés, le lieutenant SATIN allait trouver la mort dans cette catastrophe. Pendant vingt minutes il nagea tout près d'un matelot qui fut plus tard recueilli par un sous-marin. Puis ses forces l'abandonnant, il lâcha sans dire un seul mot la bouée qui le soutenait et disparut, emporté par une vague.

Stéphane BALAS

Stéphane était né en 1897. De ce fait, il était très proche de notre grand père Fréderic FERRATON (né 1898). C'est parents étaient négociants à Lyon, Fréderic venait souvent le voir quand il était à Lyon.

C'était un garçon très droit, un peu timide avec, lui aussi, des dispositions d'artiste. Au cours d'une permission, en décembre 1916, il découvrit la Bretagne et déclara, sous le charme, qu'il viendrait "couler ses vieux jours" dans cette région.

C'est après deux ans de front qu'il fut tué, le 15 juillet 1918, à sa position de pièce, au Bois du Roy, dans le combat de la Marne. Un éclat d'obus, tombé à proximité, lui trancha la carotide, et amena la mort instantanée. Il avait combattu toute la nuit, jusqu'au moment où l'ordre de se replier venait d'être donner à sa batterie. C'était exactement 10H30 du matin.

Maurice BALAS

Parti le 4 septembre 1914 au 13e Chasseurs Alpins, il resta à Rochefort, puis à Montségur dans la Drôme pour son instruction militaire, et une fois formé, à la fin de janvier 1915, il fut dirigé vers Belfort et Bussang. En février, il se trouve dans les bois de Bichviller, et le 8 mars, il écrit de Moosch :«Nous partons demain dans la direction probable du Ballon de Guebviller»

Dans le même sens il écrit sous une forme joyeuse, le 11 juin, à sa famille : «Le dernier canard qui survole la Compagnie, c'est que nous allons remettre le sac au dos pour une direction inconnue. Mais j'aurai bien le temps de vous griffonner un mot sur une carte. Adieu, chère Maman; soyons toujours unis de cœur sous la protection du Sacré-Cœur et de Notre-Dame de Lourdes. »

Le lendemain, selon sa promesse, il envoyait une dernière carte et demandait des nouvelles de son frère René, tout récemment parti au régiment, puis brusquement toute correspondance fut interrompue.

Douloureuse interruption, objet de tant d'angoisses dans les familles ! Est-ce qu'une attaque avait été déclenchée, enlevant aux soldats toute facilité d'écrire ? Est-ce que l'enfant est blessé, malade, douloureusement couché dans un lit d'hôpital ? Est-ce qu'il est prisonnier, mutilé entre les mains de l'ennemis ?... Est-ce qu'il faudrait s'attendre à une nouvelle plus terrible encore, et se trouver désormais en face d'une inflexible nécessité ?

Hélas ! la douloureuse annonce arrivait au foyer de Maurice : le cher petit soldat était tombé à l'Hilsenfirst, frappé d'une balle au cœur. On ne recevait de lui que l'écho de la dernière parole adressée aux camarades qui voulaient l'emporter : «Laissez-moi là !»

Laissez-moi là !... Il ne faut point vous exposer, il faut songer avant tout à la bataille, à la victoire, à la France. C'est fini pour moi !

Les citations

Heureusement, cet horrible conflit a épargné certains de nos aïeuls et ils ont eut des comportements exemplaires qui leur ont valu des citations fort élogieuses.

Pierre MONIER, (oncle Pierre) frère de Bonne Maman, classe 1914, a fait toute la guerre. Il fait l'objet de la citation suivante :

Lucien FERRATON, cousin germain de Bon Papa CALLET
fils de Jean (frère d'Antoinette, épouse de Didier CALLET) et Gratienne TABERT

Pierre FERRATON, cousin germain de Bon Papa FERRATON
fils de Stéphane (frère d'Etienne) et Rosalie THOMAS

Jean POMEON, beau-frère d'Antoine CHATAGNON, (futur époux de Lilette CHAGNON) a lui aussi une conduite héroïque :

Enfin, le Dr Henri HAOND, cousin de Bon Papa FERRATON du coté BALAS, a lui aussi été exemplaire pendant ce conflit.

 

Pierre CALLET, papa de Tante Mimy et frère de Bon Papa CALLET avait son service militaire en 1906 et s'était porté volontaire pour servir en Algérie.

Le 3 août 1914, Pierre est mobilisé et rejoint son dépôt à Valence et il ferra toute la guerre. En 1914, il était déjà père de deux enfants : Marie Antoinette (tante Rirette) née en 1913 et Andrée (tante Mimy) âgée d'à peine 3 mois (11 mai 1914).

En ce 3 aout 1914, Anne Marie, épouse de Pierre, est en villégiature à Sorbiers avec ses deux filles. Elle apprend que son mari est mobilisé et doit partir immédiatement. Sorbiers n'est pas bien loin de Saint-Chamond, mais avec deux enfants, il est difficile de s'y rendre à pied. Qu'à cela ne tienne, son frère Pierre (13 ans) a un poney, il attèle à une petite charrette et il emmène sa sœur et ses deux nièces à Saint-Chamond. Premier drame, première angoisse pour Anne Marie qui revivra le même drame vingt cinq ans plus tard, en août 1939, quand elle verra partir son fils ainé (Georges) pour une autre guerre.

(D'après les souvenirs de Georges Callet (frère de tante Mimy))

Henri CALLET, dernier frère de Bon Papa a fait sa période de service militaire à partir du 8 octobre 1911. Mobilisé le 2 aout 1914, il rejoint le 38e Régiment d'Infanterie à Dijon.

En septembre 1917, il passe à l'aviation comme élève pilote et suit une formation à Ambérieu puis affecté au Cretoy le 3 avril 1918. Il terminera la guerre comme sergent Aviateur et il sera décoré de la Croix de Guerre.

Henri a profité d'une permission pour épouser le 1er avril 1919, Jeanne PREBET, fille de Marcellin et d'Augustine GARNIER et belle sœur de son frère Claudius (Bon Papa CALLET). Malheureusement, Jeanne contracta la trop fameuse grippe espagnole et décéda le 16 aout 1919 sans avoir revu son époux.

 

 

L'Armistice du 11 novembre 1918 ne doit pas nous faire oublier qu'au cours de ce mois d'octobre 1918, le 8 et le 15, Jean FERRATON, frère de Bon-Papa FERRATON et François MONIER, frère de Bonne-Maman sont décédés de la Grippe espagnole.

 

 

Les documents écrits sont tirés du "Livre d'Or de l'Institution Ste Marie" édité par l'institution en 1920. Les photos sont issues de mes archives.

 

 

J'ai cité les personnes dont j'avais les éléments pour le faire. D'autres, parmi nos aïeuls, sont morts ou on eu des conduites exemplaires pendant ce conflit. J'en ignore les circonstances et je serais heureux de les connaître. Merci de les communiquer.

 

Annexe

 

 

Je n'ai malheureusement pas de livret militaire d'un combattant de la guerre de 1914-1918. Mais celui-ci pourra nous éclairer sur l'ordre de mobilisation.

Ce livret est celui délivré à Jean Pierre Marie FERRATON dit Ywan. Il est le fils de Claudius et d'Amélie CHANARD et donc le frère d'Antoinette, épouse de Didier CALLET. C'est donc l'oncle de Bon-Papa CALLET.

Il est né le 10 mars 1855. Il fait partie de la Classe 1875. Il a été incorporé le 4 novembre 1875 au 16e Bataillon de Chasseurs à Pied stationné à Clermont-Ferrand puis à Lyon. Au bout d'un an, le 5 nombre 1876, il a terminé son service militaire et a été mis "en disponibilité de l'armée active". Il pouvait être mobilisé.

Son ordre de route précise qu'il doit "se mettre en route en en cas de mobilisation de sa classe" et rejoindre le 102e Régiment Territorial d'Infanterie stationné à Saint Etienne. Cet ordre était valable jusqu'au 25 octobre 1900.

En 1914, Ywan avait 58 ans et il est décédé en 1915.