Les origines d'un commerce sanflorain
Lorsque le lyonnais Jean Marie CARRET et son cousin Claudius RIVOIRE décidèrent en 1860 de fabriquer ensemble des pâtes alimentaires, ils ne se doutaient pas qu’un siècle et demi plus tard, leurs patronymes associés : RIVOIRE & CARRET seraient une marque commerciale extrêmement connue. Dans l’histoire mondiale de l’industrie et du commerce, cette association de deux noms de famille, constituant une marque, est très fréquente et nous pourrions citer de nombreux exemples.
Dans notre région cette fréquence est faible mais quelques cas existent dont l'un des plus anciens commerces de Saint Flour, le magasin SOULIER-TABASTE, toujours exploité aujourd’hui sous cette enseigne.
Si le patronyme SOULIER est largement répandu dans la Région de Saint Flour, celui de TABASTE est plus rare, voire inexistant. Par exemple, en 2010 aucun abonné du téléphone ne porte ce nom dans le Cantal.
Avant d'étudier l'origine des familles SOULIER et TABASTE, retraçons l’histoire de ce commerce bien connu à Saint-Flour.
Jean TABASTE et Antoinette VIDAL créent leur commerce de mercerie à Saint-Flour en octobre 1900. La boutique est ouverte rue Marchande à l'emplacement actuel.
Devant le magasin TABASTE-VIDAL (vers 1917-1918)
De gauche à droite : Antonia VIALA, née MONTEIL (employée), Marie Louise TABASTE, Antoinette VIDAL, Jean TABASTE, M. MONTEIL (père d'Antonia), Marguerite TABASTE, Melle ODOUL (employée).
Entête de facture (1910)
Col: AM Saint Flour
Photo collection : Mme Marcel SOULIER
La façade du magasin est plus petite car le linéaire actuel était amputé, à droite, par un immeuble qui avançait sur la place actuelle. La passage entre la rue Marchande et la place de la Halle était particulièrement étroit (voir illustration ci-dessous).
Photo collection studio FERRATON
Ils vendent mercerie, lingerie pour adultes et pour bébés, bonneterie, confections, layettes, cravates, gants, foulards, rubans et même des parfums. Au tout début, ils ont un rayon de vente et réparation de machines à coudre.
En 1923, il cèdent le fond à leur fille aînée Marguerite. Elle a 25 ans et vient d’épouser René GUIRAUD. La famille de son époux exploite le Buffet de la Gare et Marguerite partage son temps entre la mercerie et le restaurant de son mari.
Sa sœur, Marie Louise est modiste et travaille à Clermont-Ferrand. Là-bas, elle fit la connaissance d’un jeune homme très séduisant : Henri Georges SOULIER. La mariage eut lieu à Saint Flour en septembre 1923. Le jeune couple exploite un bar à Aulnat près de Clermont. Marcel naît en juillet 1924. Mais la santé du jeune époux se dégrade et le couple doit abandonner son commerce et vient s’installer à Saint Flour dès 1928. L’année suivante, Georges SOULIER décède laissant sa jeune femme et son fils de 5 ans.
Marguerite qui est très occupée avec le Buffet de la Gare, propose à Marie Louise de lui céder le commerce de mercerie.
C’est ainsi que madame SOULIER née Marie Louise TABASTE se met à son compte sous le nom de SOULIER-TABASTE.
Entête de facture (1940)Entête de facture (1958)
Col: AM Saint Flour
Marie Louise reste à la tête de ce commerce jusqu’à la fin de la guerre. Son fils Marcel prend la suite en 1946 avec son épouse Raymonde PRADEL. Ils le tiennent jusqu’au décès de Marcel SOULIER en 1990. C’est aujourd’hui la quatrième génération de merciers qui exploite ce commerce toujours sous le nom de SOULIER-TABASTE et toujours au même endroit.
Les origines de la famille SOULIER
Henri-Georges SOULIER, l’époux de Marie-Louise TABASTE est né à Montluçon dans l’Allier. Il est le fils d'Antoine et d'Anne-Marie CHEMINET. Antoine SOULIER est issu d’une famille très pauvre vivant dans les bas-quartiers de cette ville industrielle. Le père d'Antoine était journalier (il se louait à la journée) et sa mère blanchisseuse. Antoine est rentré comme simple manœuvre dans une usine métallurgique de la ville. Il est devenu à force de travail, ouvrier spécialisé puis chef d'atelier. Il possédait des dons artistiques et sculptait le bois avec beaucoup de talent. Des paysages ou des portraits exposés dans la famille, en témoignent.
Acte de naissance d'Antoine SOULIER
Archives municipales de Montluçon (Allier)
L'arrière grand père de Georges est né à Lavault Saint Anne, un village au sud de Montluçon sur les bords du Cher. Il portait le prénom de Marien, peu connu chez nous. C’était le nom d’un saint ermite du Vème siècle encore très vénéré dans les Combrailles.
Les origines de la famille TABASTE
Il faut aller dans le Limousin et plus particulièrement au nord d’Argentat dans le canton de Saint Privat pour trouver, à l'origine, des porteurs de ce patronyme. Les TABASTE sont nombreux à Brive-La-Gaillarde et à Limoges.
Acte de naissance de Jean TABASTE
AD Corrèze – Etat Civil de Gros-Chastang – 2E89 p140
François TABASTE est né vers 1775 dans le village de Nougein paroisse de Marcillac-La-Croisille en Corrèze. Son père Annet était laboureur et sa mère Jeanne BARBIE est à la tête d’une nombreuse famille. Il épousera Marie-Anne GIMAZANNE dont les parents sont cultivateurs au village voisin de Brigoux sur la paroisse de Gros-Chastang.
François et Marie-Anne auront au moins neuf enfants. La terre étant trop pauvre pour nourrir cette grande famille, les garçons partent très tôt gagner leur vie à l’extérieur. Jean, "premier du nom", traversera la Dordogne et s’établira à Saint Illide dans le Cantal où malgré une descendance de 14 enfants, il n'y a aujourd'hui aucun porteur du nom. Son jeune frère, né en 1813, Jean "deuxième du nom" traversera lui aussi la Dordogne mais ira plus au nord sur la paroisse de Saint Chamant. Il est maçon et charpentier comme son frère. Petit trapu mais dur à l’ouvrage, à Auzeral, village non loin de Saint Chamant, il rencontre Marguerite MARTY. Elle est veuve, il a 28 ans, elle en a 36 et elle possède une petite exploitation agricole. Ils se marient en novembre 1842. Jean devient cultivateur mais reste aussi charpentier.
Malheureusement la vie sera cruelle pour ce couple: un premier garçon Auguste né en 1843, mourra à 4 ans et un deuxième prénommé Jean décèdera à l'âge de deux jours. Le troisième, Pierre, est né le 26 octobre 1846 et Marguerite, sa mère décède quelques jours après sa naissance. Jean se retrouve seul avec un bébé et un enfant de 3 ans. En mars 1849, il épouse Marie ROUCHY, une domestique de 6 ans son aînée.
Pierre, seul enfant survivant de Jean TABASTE et Marguerite MARTY ferra des études et deviendra instituteur. On le retrouve en poste en Saint Chamant, à Saint Bonnet de Condat. Saint Paul de Salers sera son dernier poste. Il prendra sa retraite en 1906.
Famille de Pierre TABASTE
(vers 1890)
Assis:, Pierre et Marguerite.
Debout: Marguerite, Jean et Félicie.
En 1875, il épouse Marguerite DELFRAISSY du village de Rouffilanges, commune de Saint Cirgues de Malbert. Le couple aura cinq enfants : trois garçons dont Jean; Auguste et Pierre-Jean mourront en bas age et deux filles Françoise-Marie-Félicie et Marguerite-Catherine. La première sera institutrice comme son père. Elle épousera Emile SURRET. La deuxième Marguerite épousera en 1910 Jean VIDAL, un garçon né … à Bournoncles de l'autre coté du Cantal.
Des bords de la Dordogne à celle de la Truyère, en traversant les Monts du Cantal, c'est un trajet encore bien long de nos jours mais combien plus difficile au tout début du XXième siècle.
C’est là qu’intervient le frère aîné Jean dont l’Etat Civil nous dit qu’il était employé de commerce. Mais un employé itinérant qui, a probablement rencontré Antoinette VIDAL, sa future épouse, au cours de ses tournées en Margeride. Le mariage de Jean et d’Antoinette est célébré à Bournoncles le 9 décembre 1897. Ils ont 21 ans tous les deux et à l’aube de ce XXieme siècle, l’avenir devant eux. Il auront 4 enfants. Marguerite et Marie Louise dont nous avons parlé plus haut; Pierre-Jean décédera jeune et Félix à l'origine d'une entreprise de réparation et vente de machines agricoles encore présente de nos jours.
SOULIER-TABASTE
Il était encore assez rare avant la Première Guerre Mondiale de voir des mariages entre époux habitant aussi loin l'un de l'autre. Les mariages se faisaient à l'intérieur de la commune ou sur des communes voisines. Jean et Antoinette ont été des précurseurs. Leur fille Marie Louise les a imités. Et voilà comment deux patronymes, l'un venu des bords du Cher, près de Montluçon et l'autre des bords de la Dordogne en Corrèze, sont passés ensemble à la postérité du commerce sanflorain.
Arbre d'ascendance de Marcel SOULIER
|
|
|
|
|
|
|
|
| 8 - Antoine SOULIER (1845-1922)
|
|
| 16 - Marien SOULIER (1817-1850)
|
|
|
|
|
|
| 4 - Antoine SOULIER (1878-1933)
|
|
|
|
|
| 17 - Anne RONDEAU (-1849)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 9 - Rosalie LEBOURG (1840-1891)
|
|
| 18 - Jean LEBOURG (-1866)
|
|
|
| 2 - Georges Henri Gilbert SOULIER (1901-1929)
|
|
|
|
|
|
|
|
| 19 - Jeanne CARRET (-)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 10 - Gilbert CHEMINET (~ 1848-)
|
|
| 20 - Gilbert CHEMINET (-)
|
|
|
|
|
|
| 5 - Anne Marie CHEMINET (1874-)
|
|
|
|
|
| 21 - Pétronille THOMAS (-)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 11 - Marguerite ANDRE (-)
|
|
| 22 - Gilbert ANDRE (-)
|
1 - Marcel Antoine SOULIER (1924-1990) époux de Raymonde PRADEL
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 23 - Anne AUCOUTURIER (-)
|
|
|
|
|
|
|
|
| 12 - Pierre TABASTE (1846-1917)
|
|
| 24 - Jean TABASTE (1813-1883)
| |
|
|
|
|
|
| 6 - Jean TABASTE (1876-1951)
|
|
|
|
|
| 25 - Marguerite MARTY (an XIV-1846)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 13 - Marguerite Catherine DELFRAISSY (1842-1916)
|
|
| 26 - Antoine DELFRAISSY (~ 1804-> 1900)
|
|
|
| 3 - Marie-Louise TABASTE (1900-1972)
|
|
|
|
|
|
|
|
| 27 - Françoise COUDERC (1810-1900)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 14 - Claude VIDAL (1836-1903)
|
|
| 28 - Jacques VIDAL (1809-1870)
|
|
|
|
|
|
| 7 - Marie Antoinette VIDAL (1876-1953)
|
|
|
|
|
| 29 - Philippine ROCHE (1811-1883)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 15 - Catherine JOUVENTE (1840-1877)
|
|
| 30 - Etienne JOUVENTE (1793-1853)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
| 31 - Catherine BESSE (1804-1840)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Henry Noël FERRATON
Avec le concours de Mme Marcel SOULIER
Sources :
Archives Départementales du Cantal (collections 5 Mi disponibles sur Internet).
Archives Départementales de la Corrèze (idem).
Archives Municipales de Saint Flour.
Archives Municipales de Montluçon (Allier).